Le tissu de la Miséricorde

"L'Église vit la communion des saints." Dans cette méditation, la communion des saints est comparée au travail de tissage, confié aux mains de la Sainte Trinité. L'image de la Vierge au manteau en est une illustration éloquente.

Artisan consommé, la Trinité tisse l’histoire « de façon suave et forte » (Sagesse 8, 1). Sa miséricorde exprime sa toute-puissance (pape François, Le Visage de la Miséricorde §6), quand Dieu donne, dès la création, la vie et les forces et, par grâce, son intimité bienveillante. Des anges et des hommes, comme les brins d’une tapisserie bigarrée, bénéficient de cet amour. La Trinité façonne avec doigté le corps mystique du Christ.

Par l’Église, étendard du Sauveur (Isaïe 5, 26), des nouveaux membres sont rattachés à la trame solide de la foi. « L’Église vit la communion des saints » (pape François, idem §12). Ce tissu vital est greffé dans une Source divine. Chacun porte une fibre de la miséricorde paternelle, trempée dans le Sang de l’Agneau et dans le souffle de l’Esprit.

La Trinité façonne avec doigté le corps mystique du Christ.(...) Chacun porte une fibre de la miséricorde paternelle

La grâce sans limite accordée à l’humanité du Christ imprègne le corps de l’Église (saint Augustin, Discours sur les Psaumes 132 §9). Chaque membre est appelé à garder et diffuser la miséricorde, pilier et loi du Royaume. « Un membre souffre-t-il ? Tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? Tous les membres prennent part à sa joie » (1 Corinthiens 12, 26). Chacun peut bénéficier des biens spirituels de tous les autres, gratuitement : « un trésor de vie qui s’enrichit en étant partagé » (Catéchisme §949).

Ceux qui ont atteint le ciel se soucient de leurs frères vulnérables. Ceux qui sommes en chemin nous accrochons aux aînés. Ceux qui se purifient dans l’au-delà ne sont pas oubliés du reste. Si un regard de miséricorde nous a appelés à la foi, un souffle de tendresse nous soutient dans la persévérance. La communion des saints atteste que la fidélité est définitive chez les saints et accessible aux pèlerins qui traversent la terre.

Chacun peut bénéficier des biens spirituels de tous les autres, gratuitement : « un trésor de vie qui s’enrichit en étant partagé »

Dans la maison du Père, la miséricorde règne. Elle suscite paix et salut. Une Mère veille sur la maisonnée : elle est invoquée dans les prières liturgiques comme Mater Misericordiae car, par la Tendresse du Saint-Esprit, elle a donné chair et os au Fils Bien-Aimé du Père éternel. Ses bras ont entouré le Messie, elle l’a revêtu des langes, l’a réchauffé avec son manteau.

le manteau de Marie est resserré avec les fils fervents de l’amour. Sa miséricorde abrite, guérit, encourage et rassemble.

La piété a représenté à loisir « la vraie mère de la miséricorde » (Eadmer de Canterbury, L’excellence de la bienheureuse Vierge Marie §13), dans le geste de déployer soit son voile protecteur soit son manteau généreux sur le peuple de Dieu. Puisqu’elle a beaucoup reçu, elle est en mesure de beaucoup donner. Dans une période difficile de la vie de l’Église, un maître flamand peignit, dans une détrempe sur lin, une Vierge au manteau (Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay, 1410) pour les Carmes du Puy, qui animaient un haut lieu marial. Couronnée et parée d’une robe royale, Notre Dame soutient l’Enfant rédempteur, entourée d’anges ; son manteau est déployé par deux femmes, les « saintes Maries » (Salomé et Jacobé), bien vénérées en France. Du point de vue spirituel, le manteau de Marie est resserré avec les fils fervents de l’amour. Sa miséricorde abrite, guérit, encourage et rassemble.

« Je supporte tout à cause des élus, afin qu'eux aussi obtiennent le salut, qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle » (2 Timothée 2,10). Jésus est le sanctuaire de l’Amour miséricordieux, qui purifie et fait vivre. Participant intimement au mystère de son amour, « la Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans ce sanctuaire » (pape François, idem §24).

L’Église du Christ se nourrit par sa Parole et ses sacrements : la pénitence et l’eucharistie président la démarche jubilaire. L’indulgence plénière exprime l’ampleur du pardon : « c’est l’expérience de la sainteté de l’Église qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ » (ibidem). « Si tu éprouves la communion des saints, tu deviendras un homme joyeusement pénitent. Tu comprendras, alors, que la pénitence est joie, bien que laborieuse » (saint Josémaria, Chemin §548). Pour ceux qui ne fuient pas le manteau de la Mère de miséricorde, le travail de conversion devient bonheur communicatif.

Abbé Antoine Fernandez